PETITE HISTOIRE DU LAC BEAULNE (2e partie)
En 1959, un promoteur de Laval a acheté à la famille Duval tout le terrain entourant le lac Beaulne et il a fait creuser le chemin qui, à quelques détails près, suivait le tracé actuel. Il a immédiatement mis en vente des lots de 70 pieds de largeur.
Le premier à venir s’établir le long de ce chemin a été Roméo Marceau, père de Françoise, membre du présent Conseil d’administration de l’APLB. Il y a en a eu d’autres, si bien que la population du lac était divisée en deux groupes : ceux du « village » situé avant le barrage, qui habitaient des chalets confortables munis de l’électricité et qui regardaient avec condescendance ceux d’après le barrage qui s’installaient comme ils pouvaient au milieu des bois, des mouches noires et des maringouins. À l’emplacement du Sanctuaire Marie-Reine-des-Cœurs vivait Mademoiselle Emma Curotte qui gagnait sa vie en louant des « cabines » à des prêtres désireux de prendre des vacances et qui avait fait construire pour eux une petite chapelle. À son décès, en 1961, elle a laissé toute sa terre en héritage (à condition qu’elle ne soit pas lotie) à la Société des Pères et Frères des Saint-Apôtres qui ont transformé la petite chapelle en sanctuaire devenu depuis Centre marial diocésain.
À cette époque, il n’y avait pas d’électricité à l’ouest du barrage ; nous n’avons été raccordés qu’en 1965 au circuit de la Coopérative d’électricité de Rawdon (achetée depuis par Hydro-Québec). La seule personne ayant le téléphone était Mademoiselle Curotte mais elle ne le prêtait pas. Hormis les magasins généraux de Saint-Calixte et de Chertsey, il n’y avait pas non plus de possibilité de s’approvisionner facilement comme maintenant ; il fallait tout apporter de Montréal. Le boulanger de Saint-Calixte passait bien deux fois par semaine avec sa camionnette ; il vendait du « pain-fesse », des brioches à la cannelle mais aussi des œufs, du lait, parfois quelques légumes et fruits que l’on conservait dans des glacières avec de la glace qu’un homme de Saint-Calixte Nord sciait l’hiver sur les lacs gelés.
La plupart des habitants du «village » possédaient des canots à moteur. Chaque année, ils augmentaient la puissance de leur moteur et ils sillonnaient le lac en tirant des adeptes du ski nautique, principalement des jeunes filles superbes dans leur maillot une pièce et qui glissaient harmonieusement en faisant des gerbes d’eau. Ce qui causait quelques ennuis. D’abord, le sillage de ces canots puissants dégradait les rives; ensuite, les canots passaient trop près des quais ce qui gênait les baigneurs ; enfin, ces allées et venues en tous sens sur le lac ont provoqué des quasi-collisions ! Les anciens se sont réunis et, afin d’éviter les accidents, il a été décidé que les canots à moteur circuleraient dans le sens inverse des aiguilles d’une montre et qu’ils ne devaient pas s’approcher à moins de 50 pieds des quais. C’était le début de la prise de conscience.
C’est qu’en ce temps-là, étant donnée la quasi absence de règlements provinciaux et municipaux et leur non-respect, on pouvait tout faire. Le moulin à scie des Duval jetait son bran de scie dans le cours d’eau (ce que le gouvernement a interdit à la fin des années 60) , on pouvait bâtir un chalet au ras de l’eau, déboiser la berge pour dégager la vue, faire baisser le lac à chaque automne pour construire un muret de maçonnerie avec un escalier pour se mettre à l’eau sans fatigue, s’équiper d’une « bécosse » et d’un puisard qui fuitaient dans la nappe phréatique, faire du feu en plein air pour brûler des broussailles et faire griller des guimauves, gazonner jusqu’au bord de l’eau (j’ai même vu quelqu’un asphalter jusqu’au bord de l’eau) et arroser son gazon avec des engrais chimiques et des herbicides pour tuer les pissenlits.
C’est au cours de l’été 1973, que des employés du service gouvernemental de la protection de l’environnement ont convoqué tous les riverains à une assemblée d’information sur la pollution au lac Beaulne. Ils nous ont montré des photographies de nos berges dégradées et nous ont distribué les résultats des analyses de notre eau. En certains endroits du lac Beaulne, on barbotait dans les coliformes ! Nous étions atterrés. Ainsi est né, le 1er septembre 1973, le Comité de l’environnement du lac Beaulne. Ses membres étaient le Frère Benoit Morneau, du sanctuaire, président, les frères Jean-Marie et Marcel Coté, Paul-Émile Bleau, mon épouse d’alors Renée Devirieux, Lucien Achin, Léo Doville et Marcel Charbonneau. C’était l’ancêtre de l’Association des propriétaires du lac Beaulne. Les problèmes commençaient.
(à suivre dans le prochain numéro)
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Claude Jean Devirieux