LA PETITE HISTOIRE DU LAC BEAULNE (première partie)

                       

Le lac Beaulne avait autrefois un nom anglais car toute la région avait été cartographiée par des arpenteurs anglophones. D’ailleurs, on retrouve des noms anglais dans toute la toponymie du secteur : Chertsey, Rawdon, Saint-Calixte de Kilkenny, etc. Le nom du lac Beaulne vient du premier estivant dont la maison était située à l’entrée du lac, en bordure du terrain de ce qui est maintenant le Sanctuaire Marie-Reine-des-Cœurs ; dans les années 50, on pouvait encore voir les fondations de cette maison. Les Beaulne se sont ensuite installés dans la maison sur la butte, au 1371 chemin du lac Beaulne. Ils ont ensuite abandonné la place après la noyade du fils Beaulne qui, au printemps 1956, a fait naufrage avec son canot à moteur alors que toute la glace n’avait pas encore « calé ».   

Il y a cinquante ans, presque tout le monde accédait au lac Beaulne par la route qui porte actuellement le numéro 335 et qui passait par Pont-Viau, Bois-des-Filion, Ste-Anne-des-plaines, Saint-Lin et Saint-Calixte. Elle n’était asphaltée que jusqu’à ce village ; après c’était un chemin de terre qui desservait Saint-Calixte Nord et les lacs Beaudry et Duffey et allait rejoindre ce qui est maintenant la route 125. L’autoroute 25 n’existait pas ; il y avait bien une petite route qui traversait les villages jadis agricoles de Terrebonne et son étroit pont privé à péage, Mascouche, Saint-Esprit, et Sainte- Julienne mais elle comprenait de nombreux virages à angle droit car elle contournait presque tous les champs des fermes de la région. 

Ayant visité le site du lac Beaulne en 1957, j’ai acheté mon terrain en 1958 à Marguerite Duval, propriétaire du magasin général de Saint-Calixte. Son frère Henri opérait la scierie dont on peut encore voir les vestiges en aval du barrage. D’après ce que m’a raconté Henri Duval, son ancêtre avait, dès le début du vingtième siècle, installé un « moulin à scie » mobile sur la glace mais comme elle ne pouvait fonctionner que l’hiver et qu’il voulait l’exploiter toute l’année en profitant de l’énergie hydraulique, il a remplacé le barrage de castors qui maintenait les eaux du lac à leur niveau actuel par un barrage en bois puis par un mur de maçonnerie. Au printemps, quand la neige aura fondu, allez voir la crête du barrage, vous distinguerez sur ses extrémités est et ouest et du côté de l’eau l’ancien béton datant de près d’un siècle et du côté du chemin, le béton « neuf » qui, érigé en 1972, a servi à renforcer la vieille construction (nous avions organisé une corvée et tous les hommes valides du lac avaient participé à cette opération. Je raconterai ça plus tard dans un article consacré à la saga du barrage).

Les bûcherons de la scierie Duval logeaient dans un « campe » à droite du chemin juste avant le barrage ; l’écurie pour leurs chevaux était à gauche et les alentours étaient couverts de piles de bois « rough » et de tas de déchets de sciage et de bran de scie. Le chemin passait à environ six pieds en contrebas du barrage ; il s’arrêtait 200 pieds plus haut dans la côte. Après, il y avait un sentier forestier praticable uniquement l’hiver par les traineaux des bûcherons. Sur la butte de gauche, juste après la scierie, se trouvait un vieux verger à l’abandon. Il avait été planté là par un Français, sans doute un pêcheur qui, pour échapper à la guerre de 1914-18, avait « jumpé le boat » aux abords des côtes canadiennes et était venu se cacher au lac Beaulne. Les ruines de la « cabane du Français » étaient visibles dans le bois, sur la rive nord en face de la presqu’ile des Boucher et constituaient encore dans les années cinquante un terrain de jeu pour les adolescents.          

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Claude Jean Devirieux
secrétaire-trésorier de l’APLB